Au moins, grâce au Brexit, l’Europe innove

© Wikimedia – Pietro Naj-Oleari – EU/EP

 

De l’aveu de certains fonctionnaires européens, on constate désormais un “effet Brexit” qui permettra de mieux aborder les prochaines négociations internationales.

Ce n’est probablement pas qu’un “au revoir”. Les adieux des députés européens britanniques et l’approbation par le Parlement européen de l’accord du Brexit mercredi 29 janvier marquent un tournant irréversible. Pourtant, derrière la perte et les turbulences à prévoir, le divorce n’aura pas que des effets négatifs. L’Europe pourrait en ressortir plus forte.

Ces 24 derniers mois de négociation ont été harassants pour les institutions européennes. On ressort des épreuves amoindri ou renforcé. Qu’en est-il pour l’Union?

La “méthode Barnier” aura marqué une évolution non prévue mais bénéfique de coopération entre les 27 États membres, la Commission européenne et le Parlement. Cette méthode, imprimée par le négociateur en chef du Brexit pour l’UE, le Français Michel Barnier, a introduit deux ruptures durables.

Clarté et “first mover advantage”

M. Barnier a facilité un point de départ décisif. Les États membres étaient décidés à ne pas céder sur certains points clé de la négociation: protection des libertés de mouvement, des droits des citoyens, pas de frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, règlement de la dette britannique.

Cette clarté a permis une approche stratégique. Les questions les plus sensibles ont été abordées en premier pour générer de la sécurité juridique et de la confiance. Elle a permis à chaque étape d’expliquer la démarche européenne, de rester ferme face aux indécisions de la partie britannique, et de mere des propositions sur la table en premier.

Ce principe qui devrait être de bon sens, était loin d’être acquis. Il n’était pas manifeste dans les négociations commerciales récentes, telles que celles sur le TTIP ou le Ceta. Mais, de l’aveu de certains fonctionnaires européen, on constate désormais en la matière un “effet Brexit”.

L’alignement permettra de mieux aborder les prochaines négociations internationales, dont celles dans les prochains mois pour l’accord d’association avec le “Royaume plus si Uni”.

“Transparence et confiance”

La deuxième innovation méthodologique est l’information systématique de tous les acteurs institutionnels intéressés à chaque étape du processus. Monsieur Barnier et ses conseillers ont effectué quatre tours de toutes les capitales nationales en deux ans, rencontrant systématiquement les parlements nationaux, les syndicats, les partenaires privés.

Cette transparence collaborative, équilibrant secret aux moments décisifs et partage dès que possible, est sans précédent. Elle a été louée par tous, inspirant la confiance et facilitant la cohésion. Il est facile de perdre les bonnes habitudes, mais l’Europe sait maintenant qu’elle peut.

Au-delà de la clarté des positions initiales et de la meilleure association des acteurs impliqués, ces mois de négociation avec la Grande-Bretagne ont secoué les habitudes des fonctionnaires européens: pragmatisme, rigueur, respect, implication personnelle, maîtrise des émotions, autant de qualités qui ont marqué les esprits.

On a évité le scénario à la “Black Mirror”

Les négociations auraient pu échouer lamentablement du côté européen. On peut, sans se forcer, imaginer les divisions, les retards, l’indécision du club politique européen face à la sortie de la troisième puissance économique de la région, la faiblesse s’ensuivant, encourageant d’autres X-xits…

La route n’est pas finie. L’UE et la Grande-Bretagne s’engagent à partir du mois de mars dans un marathon survolté de 9 mois de travail pour aboutir à un accord d’association. C’est une première et le rythme souhaité par le Premier ministre britannique relève de la haute voltige.
Au total toutefois, on peut gager que Brexit aura été une source d’inventivité et de cohésion pour l’Union européenne. Pour cela du moins, on remercie Nigel.

 

Initialement publié dans L’Echo.