Processus de consultation hybrides : mixer citoyens et élus pour de meilleures politiques publiques

Qu’est-ce qu’un processus hybride de participation réunissant élus et citoyens ? 

Les processus hybrides de participation sont des initiatives permettant la délibération directe entre élus et citoyens pour co-élaborer des propositions. 

D’autres termes sont aussi employés de façon synonyme : mini-publics mixtes, dispositifs mixtes de participation, processus hybride élus/citoyens, forum délibératif mixte…

Faire délibérer élus et citoyens pour renforcer l’impact de la participation citoyenne

Ces dernières années on assiste à une explosion de la participation citoyenne à tous les niveaux de pouvoir : budget participatif, assemblées citoyennes, conseils de quartier, assemblée de la jeunesse, convention climat… Ces initiatives entendent apporter une réponse à la crise de la représentativité et à la défiance croissante des citoyens vis-à-vis de la politique. Pour autant, la partition citoyenne tient-elle vraiment ses promesses ? 

En mai dernier, Le Soir titrait “Participation citoyenne en Belgique : un rapport accablant”. Des experts tiraient en effet la sonnette d’alarme : les recommandations produites par les citoyens sont peu ou pas considérées par les élus qui les reçoivent. L’exemple de la Convention Citoyenne pour le Climat en France ou du G1000 en Belgique sont particulièrement emblématiques. Seulement 12 % des mesures de la Convention française ont été reprises telles quelles et aucune proposition du G1000 n’a réellement influencé l’agenda politique belge. Résultat : la participation produit, à l’inverse de l’effet escompté, toujours plus de citoyens déçus. 

Face à ce constat, les dispositifs mixtes de participation proposent une parade intéressante : et si les élus participaient directement à l’élaboration des recommandations avec les citoyens pour renforcer leur appropriation ? Plutôt que de recevoir les recommandations en fin de parcours comme un corps étranger, les élus en deviennent co-concepteur, ce qui vise à faciliter leur mise en application.

Dispositifs mixtes de participation : quels sont les risques de faire délibérer élus et citoyens ? 

Rapprocher élus et citoyens ne va cependant pas de soi. La majorité des initiatives de participation écartent ainsi les élus des échanges avec les citoyens pour se prémunir de leur influence et garantir la liberté des discussions. 


Praticiens et universitaires se demandent ainsi si la facilité des élus pour la parole publique ne leur permettrait pas de dominer les discussions avec les citoyens. Le risque étant que les recommandations produites reflètent au final plus la volonté des élus que celle des citoyens.

→ Lire Première Commission délibérative wallonne : bilan des échanges entre élus et citoyens

Processus de consultation hybrides : 5 conseils pour équilibrer les échanges entre élus et citoyens 

Le risque de voir les élus dominer les échanges avec les citoyens n’est cependant pas une fatalité. Les expériences existantes de délibération entre élus et citoyens fournissent par ailleurs des enseignements précieux pour équilibrer les échanges entres élus et citoyens : 

  • Une faible proportion d’élus : une étude récente (Grönlund et al., 2022), montre qu’en dessous d’un certain nombre d’élus, ces derniers n’ont plus d’influence négative sur la qualité de la délibération avec les citoyens. Conserver une faible proportion d’élus permettrait ainsi d’équilibrer la parole entre élus et citoyens. 
  • Des temps entre citoyens : appliquer le même déroulé pour les citoyens et les élus risque parfois de donner l’avantage aux derniers, plus à l’aise à s’exprimer. Ménager des temps de préparation uniquement entre citoyens leur permet d’entrer ensuite dans la délibération avec les élus mieux outillés et sur un pied d’égalité.
  • Des facilitateurs expérimentés : équilibrer les interventions avec des élus, experts de la parole publique nécessite, plus que pour d’autres initiatives de participation, une animation active et suffisamment assurée pour maintenir le cadre.
  • Préparer les élus : s’ils ont l’habitude d’échanger avec des citoyens, le mode d’échange d’égal à égal est souvent nouveau pour les élus. Pour clarifier leur rôle, le cadre proposé et renforcer ainsi la qualité des échanges entre élus et citoyens, prévoyez des temps de préparation avec eux en amont des séances.
  • Valoriser la complémentarité : un piège serait de tomber dans l’antagonisme “élus experts” / “citoyens non experts”, les uns devant implicitement instruire les autres. Au contraire, il est important de valoriser la complémentarité des expertises. Cela renforce le rapport d’égalité entre élus et citoyens et la légitimité de chacun.

Quels sont les bénéfices des forums délibératifs mixtes réunissant élus et citoyens ? 

  • Faciliter l’appropriation des recommandations : inviter les élus à co-construire avec les citoyens plutôt que de recevoir les propositions en fin de parcours permet de renforcer leur l’appropriation par les élus. Cette appropriation plus forte permettrait ainsi de faciliter la mise en œuvre des propositions. 
  • Rapprocher élus et citoyens : faire échanger élus et citoyens dans un cadre équilibré et positif permet de faire tomber les préjugés. Les citoyens peuvent ressortir avec un sentiment de proximité plus grand à leur représentants et une meilleure compréhension de leurs réalités. L’implication des élus peut aussi déconstruire des idées fausses sur la participation et la capacité des citoyens à contribuer aux prises de décisions. 
  • Renforcer la solidité des propositions : suite par exemple à la Convention Citoyenne pour le Climat en France on a pu voir des politiques et des lobbys détricoter les recommandations formulées par les citoyens. Le fait de convier directement les élus dans le processus d’élaboration permettrait d’éviter ce phénomène. On invite les élus à formuler leurs réserves éventuelles non pas pour minorer les propositions mais pour trouver des compromis et dépasser les blocages.
  • Diffuser la culture de la participation au sein des institutions : au fil des 6 commissions délibératives qui ont eu lieu depuis 2019 au Parlement Bruxellois une part importante des députés ont pu prendre part à ce dispositif réunissant parlementaires et citoyens tirés au sort. On peut supposer que cette exposition directe et massive des élus à ces initiatives puisse faire évoluer leur regard sur la place des citoyens dans la politique, et diffuser la culture participative au sein des institutions.

Mini-publics mixtes élus/citoyens : un modèle minoritaire mais qui progresse

Les processus participatifs mixtes qui réunissent élus et citoyens représentent aujourd’hui une minorité d’initiatives de participation. Cependant de plus en plus projets prennent cette direction et invitent les élus à participer aux échanges avec les citoyens, notamment :

  • 2013 – 2014 : Première Convention Constitutionnelle, Irlande
  • Depuis 2015 : Political task committees, Gentofte, Danemark
  • Depuis 2016 : Assemblées mixtes dans la commune de Korsholm, Finlande
  • Depuis 2019 : Commissions délibératives, Belgique
  • Depuis 2023 : Assemblée mixte dans la commune de Poitiers, France 
  • Depuis 2023 : initiative Hallo Bundestag, Allemagne

Commissions délibératives : la Belgique leader des processus mixtes de participation réunissant élus et citoyens 

Les Commissions délibératives sont un modèle mixte de participation citoyenne belge, qui fait délibérer des parlementaires et des citoyens tirés au sort pour produire des recommandations sur un sujet donné. Elles ont été initiées en région Bruxelloise en 2019 et lancées en région wallonne en 2023. 8 Commissions délibératives ont ainsi été déjà réalisées dans différentes assemblées belges, faisant de ce pays un leader des dispositifs mixtes réunissant élus et citoyens. 

→ Lire Commissions délibératives : tout savoir sur ce modèle de participation réunissant élus et citoyens


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