Commissions délibératives : tout savoir sur ce modèle de participation réunissant élus et citoyens

Qu’est-ce qu’une Commission délibérative ? 

Les Commissions délibératives sont un modèle mixte de participation citoyenne, initié en Belgique, qui fait délibérer des parlementaires et des citoyens tirés au sort pour produire des recommandations sur un sujet donné.

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Où et quand ont été mises en place les Commissions délibératives ? 

Les Commissions délibératives ont été mises en place en Belgique dans différentes assemblées : 

  • En décembre 2019 au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, et au Parlement francophone bruxellois (COCOF).
  • En octobre 2020 le Parlement de Wallonie a adopté la possibilité d’organiser des Commissions délibératives. La première Commission délibérative wallonne n’aura cependant lieu qu’en octobre 2023. 
  • En janvier 2024, la Chambre des représentants adopte une modification de son règlement permettant l’organisation de “commissions mixtes” réunissant députés et citoyens sur le modèle des Commissions délibératives. Aucune commission mixte n’a encore été organisée à la Chambre des représentants.

→ Lire Tout savoir sur la première Commission délibérative au Parlement de Wallonie

Commissions délibératives : institutionnaliser la démocratie participative

Les Commissions délibératives sont en quelque sorte incorporées à l’activité ordinaire des parlements, en parallèle des commissions parlementaires classiques. Leur mise en place a été votée par les députés et leur fonctionnement est inscrit dans le règlement intérieur des assemblées qui les pratiquent.

Comment peut-on initier une Commission délibérative ?

Les Commissions délibératives peuvent être initiées soit par des parlementaires, soit par des citoyens par voie de pétition. Le seuil de signatures requis est relativement faible : 1000 pour les Commissions délibératives bruxelloises et 2000 pour les Commissions délibératives wallonnes, ce qui donne à la population un certain pouvoir de mise à l’agenda. 

Quels sujets peuvent faire l’objet d’une Commission délibérative ?

Le sujet soumis par voie de pétition doit répondre à quelques critères d’acceptabilité : le Parlement peut notamment exclure les propositions manifestement grossières ou offensantes, celles qui ne sont pas de sa compétence ou qui porteraient atteinte aux droits fondamentaux. Une fois cela vérifié, une Commission délibérative est lancée. 

Comment sont composés les Commissions délibératives ?

Les Commissions délibératives sont composées de trois quarts de citoyens tirés au sort et d’un quart d’élus. Le nombre exact varie en fonction des assemblées concernées et de leur taille : 

  • Au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale les Commissions délibératives sont composées de 15 parlementaires et de 45 citoyens.
  • Au parlement francophone bruxellois (COCOF) les Commissions délibératives sont composées de 12 parlementaires et de 36 citoyens. 
  • Au Parlement de Wallonie les Commissions délibératives sont composées de 10 parlementaires et de 30 citoyens. 

Les citoyens sont tirés au sort pour approcher la diversité de la population, suivant les critères d’âge, de genre, de niveau de formation et de répartition géographique. À Bruxelles, région officiellement bilingue, le critère de langue est aussi pris en compte et le tirage au sort s’étend au-delà du corps électoral, en incluant les personnes de plus de 16 ans ainsi que les résidents étrangers. 

Les parlementaires membres d’une commission délibérative reflètent l’équilibre des groupes politiques au sein de l’assemblée considérée. La première Commission délibérative wallonne à par exemple impliqué 3 députés PS, 3 MR, 2 Écolo, 1 Les engagés, 1 PTB, conformément à la proportion de ces groupes politiques au sein de l’assemblée. 

→ Lire Tout savoir sur la première Commission délibérative au Parlement de Wallonie

Comment sont choisis les députés participants aux Commissions délibératives ? 

Les parlementaires participants aux Commissions délibératives sont en théorie les membres de la Commission parlementaire permanente en lien avec le sujet traité. En Wallonie par exemple, la première Commission délibérative qui a eu lieu entre 2023 et 2024 avait un sujet en lien avec la Commission parlementaire des Affaires générales. Ce sont donc les parlementaires membres de la Commission des affaires générales qui devaient siéger au sein de la Commission délibérative. Cependant, le règlement des Commissions délibératives prévoit que les députés peuvent désigner un remplaçant qui siégera à leur place. Dans les faits donc, ce sont les parlementaires de chaque groupe politique les plus motivés et intéressés par le sujet qui participent.

Quel est le processus de tirage au sort des Commissions délibératives ? 

Le tirage au sort des Commissions délibératives – comme de manière classique pour les tirages au sort de panels citoyens et mini-publics – se déroule en deux temps :

Dans un premier temps

  • Des invitations sont envoyées par courrier (10 000 pour les Commissions délibératives bruxelloises et 3000 pour les Commissions délibératives wallonnes) sur la base d’une premier tirage au sort 
  • Les citoyens intéressés doivent répondre positivement à cette invitation via mail, appel sur un numéro vert, plateforme en ligne ou retour de courrier (les modalités sont différentes en Wallonie et en Région Bruxelloise)

Dans un second temps : 

  • Un deuxième tirage au sort a lieu parmi les citoyens ayant marqué leur intérêt pour participer.
  • L’objectif étant de composer un groupe de citoyens pour représenter au mieux la diversité de la population en termes d’âge, de genre, de répartition géographique et de niveau de formation. À Bruxelles, région officiellement bilingue, le critère de langue (français, néerlandais) est aussi pris en compte et le tirage au sort s’étend au-delà du corps électoral, incluant les personnes de plus de 16 ans et les résidents étrangers.

Comment se déroule une Commission délibérative ?

Les travaux d’une Commission délibérative suivent trois phases : 

  1. Information sur le sujet par des experts et des intervenants extérieurs ;
  2. Délibérations en petits groupes ; 
  3. Enfin, amendements à la façon parlementaire et vote sur les propositions. 

À cette progression classique des assemblées citoyennes s’ajoute une différence de taille : à chaque étape, les élus travaillent activement avec les citoyens. La bonne gestion de cette délibération entre élus et citoyens constitue un élément clé de la réussite d’une Commission délibérative.

Comment se déroule le vote des recommandations d’une Commission délibérative ?

La fin d’une Commission délibérative est marquée par un vote des parlementaires et des citoyens sur les recommandations qui ont été produites. Ce vote se déroule en 4 temps

  1. Les citoyens votent à bulletin secret sur chaque recommandation ;
  2. Le résultat du vote des citoyens est annoncé ;
  3. Les parlementaires votent de façon publique en connaissance du résultat du vote des citoyens ;
  4. Les députés doivent se justifier si la majorité des votes des parlementaires diverge de ceux des citoyens. 

Ce vote des parlementaires et citoyens n’a pas directement valeur loi. Il a vocation à éclairer les suites accordées à ces recommandations au moment de leur examen en commission parlementaire permanente et en séance plénière du parlement.

→ Lire Commissions délibératives : réflexions sur le processus de vote

Quel suivi est accordé aux recommandations d’une Commission délibérative ? 

Les Commissions délibératives en Région bruxelloises et en Wallonie prévoient un processu clair de suivi : 

  • Les recommandations produites doivent être examinées par la commission parlementaire permanente qui se rattache au sujet traité (les recommandations de la première Commission délibérative wallonne qui portait sur la participation citoyenne ont par exemple été traitées par la Commission parlementaire des affaires générales)
  • Si cette commission parlementaire permanente estime qu’une ou plusieurs recommandations n’entrent pas dans ses attributions, on renvoie ces recommandations à la commission permanente compétente. 
  • Dans les 6 mois après la fin d’une Commission délibérative, la commission parlementaire permanente produit un rapport motivant les suites envisagées pour chaque recommandation. Si une autre commission permanente a été saisie le délai est prolongé de trois mois.
  • Ce rapport de la commission permanente est examiné en séance plénière du parlement.

Les 5 avantages des Commissions délibératives

  1. Permettre l’initiative citoyenne : les Commissions délibératives peuvent être déclenchées par voie de pétition avec un seuil relativement faible de signatures requises. Ce mécanisme donne au citoyens un vrai pouvoir de mise à l’agenda.
  1. Renforcer l’appropriation des recommandations : contrairement à une majorité d’initiatives de participation, les élus sont invités à délibérer et co-construire les recommandations aux côtés des citoyens. Cet embarquement des députés dès le début du processus permet de renforcer l’appropriation des recommandations produites et de faciliter ainsi leur mise en œuvre. 
  1. Garantir le suivi : les recommandations produites doivent être examinées en commission parlementaire puis en séance plénière du parlement. Les parlementaires doivent produire un rapport motivant les suites envisagées pour chaque recommandations. C’est une avancée importante en comparaison d’une majorité d’initiatives de participation qui négligent ce processus de suivi. 
  1. Pérenniser la démocratie participative : les Commissions délibératives sont  incorporées à l’activité ordinaire des Parlements. Leur fonctionnement est inscrit dans le règlement intérieur des assemblées qui les pratiquent. Cette institutionnalisation permet à la participation citoyenne de s’inscrire dans le temps, de bénéficier d’un cadre clair et de moyens pérennes : autant d’ingrédients qui permettent de renforcer la qualité et l’impact de la participation. 
  1. Rapprocher élus et citoyens : les questionnaires d’évaluation montrent qu’une majorité d’élus et de citoyens ont un avis favorable de l’échange mutuel qu’ils ont eu. Les citoyens ressortent avec un avis plus favorable sur le travail de leurs élus. L’implication des députés permet aussi une acculturation à la co-construction avec les citoyens. 

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