Entre octobre 2023 et février 2024 a eu lieu la première Commission délibérative au Parlement de Wallonie. Durant 5 journées de délibération, 10 députés et 30 citoyens tirés au sort ont planché sur la question suivante : “Comment impliquer les Wallonnes et les Wallons dans la prise de décision de manière permanente, en s’inspirant notamment du dialogue citoyen permanent existant en communauté germanophone qui procède par tirage au sort ?”
Cette première Commission délibérative wallonne a été déclenchée par la voie d’une pétition initiée par le mouvement Cap Démocratie. Si des Commissions délibératives existent depuis 2019 en région bruxelloise, c’était la première fois que député·es et citoyen·nes travaillaient sur un pied d’égalité dans l’enceinte du Parlement wallon. Ils ont abouti le 24 février 2024 à des recommandations pour répondre à la question qui leur était posée.
Ils proposent notamment l’instauration d’un conseil mixte permanent inspiré du dialogue citoyen permanent en communauté germanophone, ce qui constituerait une innovation démocratiue majeure pour la Wallonie. Cette proposition est accompagnée d’une trentaine d’autres qui apportent des réponses fortes aux défis de la participation. On retrouve notamment l’abaissement du seuil de signatures pour faciliter le déclenchement des Consultations populaires, ou initier une réflexion sur l’ouverture du référendum au niveau régional, avec la volonté de susciter le débat sur ce sujet, malgré son inconstitutionnalité.
Ces recommandations ont été examinées en Commission permanente puis en séance plénière du Parlement les 8 et 24 avril 2024. Elles font l’objet d’un rapport favorable quant aux suites envisagées par les parlementaires pour chacune des recommandations. Arrivant en fin de législature, la mise en œuvre effective de ces recommandations dépendra des parlementaires nouvellement élus après juin 2024.
→ Lire Commissions délibératives : tout savoir sur ce modèle de participation réunissant élus et citoyens
C’est quoi une “Commission délibérative” ?
Les Commissions délibératives sont un modèle mixte de participation citoyenne qui fait délibérer des parlementaires et des citoyens tirés au sort pour produire des recommandations sur un sujet donné. Elles ont été initiées en 2019 en région bruxelloise avant que la première Commission délibérative wallonne soit lancée en octobre 2023.
→ Lire Commissions délibératives : tout savoir sur ce modèle de participation prometteur
Comment a été initiée la première Commission délibérative au parlement de Wallonie ?
Les Commissions délibératives peuvent être initiées soit par des parlementaires soit par voie de pétition.
Cette première Commission délibérative wallonne a été initiée par une pétition citoyenne, portée par le collectif Cap Démocratie, qui a recueilli plus de 2 000 signatures.
Quel était le sujet traité par cette Commission délibérative wallonne ?
Le sujet soumis à cette Commission délibérative wallonne était : “Comment impliquer les Wallonnes et les Wallons dans la prise de décision de manière permanente, en s’inspirant notamment du dialogue citoyen permanent existant en communauté germanophone qui procède par tirage au sort ?”
Comme le prévoit le règlement des Commissions délibératives, cette formulation finale a été arrêtée par la Conférence des présidents du Parlement wallon à partir de la pétition soumise par Cap démocratie à l’origine de cette Commission délibérative.
La question de la crise de la représentativité et de la distance entre citoyens et représentants est un sujet brûlant. Dans ce contexte, la première Commission délibérative wallonne apparaît comme un espace précieux et nécessaire : prendre du recul et permettre une discussion informée et apaisée entre citoyens et élus.
Réglement et vade-mecum fixant le déroulement des Commissions délibératives au parlement de Wallonie
La composition, le déroulement et le suivi des Commission délibératives au Parlement de Wallonie sont fixés par deux textes :
- L’article 130 bis du règlement intérieur du Parlement de Wallonie
- Le vade-mecum attaché à l’article 130 bis, qui précise les modalités de mise en œuvre des Commissions délibératives.
Quelle était la composition de la première Commission délibérative au Parlement wallon ?
Les Commissions délibératives Wallonnes sont composées de 30 citoyens et de 10 parlementaires :
- Les 30 citoyens impliqués dans le processus ont été tirés au sort pour représenter au mieux la diversité de la population wallonne en termes d’âge, de genre, de répartition géographique et de niveau de formation.
- Les 10 députés qui travaillent aux côtés des citoyens représentent les équilibres politiques au sein du Parlement wallon. Pour cette première Commission délibérative Wallonne : Gaëtan Bangisa (PS), Eric Lomba (PS), Mourad Sahli (PS), Charles Gardier (MR), Nicolas Janssen (MR), Olivier Maroy (MR), Rodrigue Demeuse (Ecolo), Hélène Ryckmans (Ecolo), Marie-Martine Schyns (Les Engagés), Jori Dupont (PTB).
Comment s’est déroulé le tirage au sort de cette Commission délibérative ?
Le tirage au sort des Commissions délibératives wallonnes – comme de manière classique pour les tirages au sort de panels citoyens et mini-publics – se déroule en deux temps :
Dans un premier temps :
- 3 000 citoyens sont tirés au sort sur la base du Registre national à condition qu’elles et ils remplissent les conditions d’électorat pour le Parlement de Wallonie, ce qui couvre donc les citoyen·nes belges résidant en Wallonie ayant atteint l’âge de 18 ans.
- Un courrier accompagné d’une brochure explicative est envoyé au 3 000 personnes tirées au sort, les invitant à participer à la Commission délibérative.
- Les citoyens intéressés doivent répondre positivement à l’invitation ou via l’enveloppe pré-timbrée jointe au courrier, ou par mail.
Dans un second temps :
- Un deuxième tirage au sort a lieu parmi les citoyens ayant marqué leur intérêt pour participer à la commission délibérative.
- L’objectif étant de composer un groupe de 30 citoyens pour représenter au mieux la diversité de la population wallonne en termes d’âge, de genre, de répartition géographique et de niveau de formation.
- 30 suppléants sont également tirés au sort selon la même procédure.
- Les participants tirés au sort sont ensuite informés par courrier et par téléphone. Les tirés au sort qui répondent finalement négativement ou qui sont injoignables sont remplacés par leurs suppléants.
Le règlement des Commissions délibératives prévoit que dans le cas où le premier tirage au sort ne permet pas de sélectionner 30 participants effectifs et 30 participants suppléants, il est procédé à un nouveau tirage au sort de 3.000 citoyens. Dans le cas de cette première Commission délibérative wallonne, le panel de citoyens à pu être constitué dès le premier tirage au sort.
Le tirage au sort a été réalisé par le politologue Christoph Niessen.
Première commission délibérative au Parlement wallon : un taux de participation record
Le dernier baromètre de l’Iweps annonçait un sombre tableau : une chute de 30% de la confiance des citoyens wallons vis-à-vis des institutions. Le signal envoyé au coup d’envoi de cette Commission délibérative wallonne a pourtant suggéré l’exact opposé : plus de 12% des citoyens sollicités pour participer ont répondu favorablement. C’est plus que l’écrasante majorité des autres initiatives de recrutement de panels citoyens. La Convention citoyenne pour le climat en France atteignait par exemple péniblement les 4%.
L’exception wallonne ne s’arrête pas là. Une fois entrés dans le processus, seulement un citoyen a quitté l’aventure. Une implication remarquable au regard de l’investissement attendu. “En tant que politologue qui d’habitude étudie le désintérêt et le conflit, je vois en repartant d’ici qu’il y a encore des preuves du contraire, des preuves d’intérêt des citoyens et de recherche du consensus” témoignait ainsi l’universitaire Christoph Niessen lors de son audition par les participants de la Commission délibérative.
Déroulement, supports et compte rendus des séances de la première Commission délibérative wallonne
Cette Commission délibérative wallonne s’est déroulée en 5 séances d’une journée, le dimanche plus une séance facultative d’une demie journée en début de processus :
- Séance 0 : séance facultative d’information sur le processus
- Séance 1 : s’informer et clarifier le sujet traité
- Séance 2 : identifier de premières pistes de solution
- Séance 3 : approfondir et formuler des recommandations
- Séance 4 : finaliser les recommandations
- Séance 5 : examiner les amendements et voter les recommandations
→ Lire Commission délibérative wallonne : méthodes, déroulé et comptes rendus des séances
Quels acteurs étaient impliqués dans la mise en œuvre de cette Commission délibérative ?
Services du greffe du Parlement
Le service du greffe du parlement a joué un rôle clé, en partenariat avec le prestataire extérieur Dreamocracy, pour assurer la préparation des séances et le bon déroulement du projet. Au sein de l’administration du parlement, cette Commission délibérative a été piloté sous la direction d’Olivier Mahieux.
Comité d’accompagnement
Le processus a été guidé et évalué par un Comité d’accompagnement composé d’experts de la participation citoyenne : Benoit Derenne, Céline Parotte, Geoffrey Grandjean et Min Reuchamps. Les 4 membres du Comité d’accompagnement sont choisis par le Parlement de Wallonie, sur proposition de sa Conférence des présidents.
Prestataire chargé du design et de l’animation des séances
La conception et l’animation des séances a été assurée par l’agence Dreamocracy, mobilisant une équipe de 7 personnes :
- Stephen Boucher : Facilitateur en plénière et co-concepteur de l’animation des séances
- Victor Lauret : Chef de projet, co-concepteur de l’animation des séances et facilitateur de sous-groupes
- Marie Bertrand : Facilitatrice en plénière
- Pauline Tawil : chargée de l’engagement et du bien-être des participants entre les séances
- Pierre Portevin : chargé de l’engagement et du bien-être des participants en séance, facilitateur en sous-groupes
- Ralf Otto, facilitateur en sous-groupes
- Corentin Gaasch, stagiaire et aide à la facilitation
L’activité du prestataire (Dreamocracy) chargé de l’animation des séances de cette première Commission délibérative wallonne, était encadrée par le présent cahier des charges.
Qui ont été les personnes ressources et les experts auditionnés par cette Commission délibérative ?
15 experts et personnes ressources ont été auditionnés par les participants au cours des 5 séances de cette Commission délibérative :
- Anne-Emmanuelle Bourgaux, constitutionnaliste
- Christoph Niessen, politologue
- Julien Pierart, représentant du SPW
- Représentants de Cap démocratie, pétitionnaire à l’origine du déclenchement de cette Commission délibérative
- Jean-Benoit Pilet, politologue
- Anna Stuer, Représentante du Dialogue citoyen permanent en Communauté germanophone
- 2 citoyens participants du Dialogue citoyen permanent en communauté germanophone
- Jonathan Moskovic, conseiller innovation démocratique au Parlement Francophone Bruxellois
- Francis Delpérée, constitutionnaliste
- Julien Vrydagh, politologue
- Yves Dejaeghere, directeur de la FIDE
- Edouard Delruelle, philosophe
- Arnaud Ruyssen, journaliste
Cette liste a été constituée sur proposition des participants, élus et citoyens, et du Comité d’accompagnement chargé de guider et d’évaluer le processus.
Quelles sont les recommandations produites par cette Commission délibérative ?
Cette première Commission délibérative Wallonne a abouti à 30 recommandations qui apportent des solutions fortes pour renforcer l’implication des Wallonnes et des Wallons dans les prises de décisions. Elles sont réparties en 4 axes :
- Instaurer un dialogue citoyen permanent en région wallonne, inspiré du modèle existant en communauté germanophone
- Améliorer les Commissions délibératives, à travers par notamment :
- Permettre aux citoyens d’être remplacés par leur suppléant en cours de processus, à l’instar des députés.
- Renforcer l’égalité de parole entre députés et citoyens en fixant un temps de parole pour les députés.
- Dédier une page au suivi des recommandations sur le site web du Parlement, permettant de visualiser leur état d’avancement.
- Renforcer l’ensemble des processus de participation citoyenne, à travers notamment :
- Réfléchir à la mise en place d’un congé démocratique.
- Rendre obligatoire la motivation du rejet ou de l’acceptation des recommandations des citoyens par les élus, en impliquant les participants dans le processus de suivi.
- Optimiser les Consultations populaires à travers notamment :
- Permettre un vote gradué ou “préférendum” apportant plus de nuances qu’un simple oui/non.
- Favoriser une utilisation plus fréquente des Consultations populaires en abaissant le nombre de signatures requises à leur déclenchement.
- Considérer l’ouverture du référendum (contraignant) au niveau régional, avec une volonté de susciter le débat sur ce sujet, malgré son inconstitutionnalité.
→ Lire Recommandations de la première Commission délibérative wallonne
Conseil mixte permanent : une innovation démocratique majeure proposée par la Commission délibérative Wallonne
Parmi les 30 recommandations proposées par cette Commission délibérative, une mérite qu’on s’y attarde particulièrement : la mise en place d’un conseil mixte permanent. Cette proposition originale fait la synthèse entre le modèle bruxellois des Commissions délibératives et celui du dialogue citoyen permanent en communauté germanophone.
Pour renforcer l’impact de la participation citoyenne, une piste consiste à resserrer le lien entre la participation et les institutions politiques. La Belgique a été pionnière en la matière avec deux modèles remarqués à l’international, chacun avec une stratégie différente :
- d’un côté les Commissions délibératives en région bruxelloise invitent les élus à co-construire avec les citoyens, facilitant l’appropriation des recommandations produites et in fine leur mise en application.
- De l’autre, la communauté germanophone à mis en place un conseil citoyen permanent qui permet un suivi des recommandations sur le temps long.
Le Conseil mixte permanent proposé par les participants wallons tire le meilleur parti de ces deux modèles : suivi sur le temps long permit par un organe permanent et appropriation des recommandations par les élus en les invitant au sein du dispositif aux côtés des citoyens.
→ Lire Commission délibérative : le parlement wallon innove face à la crise démocratique
Quel suivi a été accordé aux recommandations produites par la première Commission délibérative wallonne ?
Comme le prévoit le règlement des Commissions délibératives wallonnes, les recommandations produites ont fait l’objet d’un processus de suivi en 2 étapes :
- Les recommandations ont été examinées le 8 avril 2024 par la Commission parlementaire permanente en lien avec la question traitée, il s’agissait ici de la Commission des affaires générales et des relations internationales.
- Cet examen à fait l’objet d’un rapport justifiant les suites à apporter pour chaque recommandations
- Retrouvez ici l’enregistrement de l’examen des recommandations en Commission
- Le rapport produit par la Commission des affaires générales sur ces recommandations à été ensuite examiné le 24 avril 2024 en séance plénière du Parlement
- Retrouvez ici l’enregistrement de l’examen en séance plénière
L’application effective des recommandations de la Commission délibérative dépendra de la prochaine législature après les élections de juin 2024.
→ Lire Commission délibérative : le parlement wallon innove face à la crise démocratique
Engagement des élus wallons vis-à-vis des recommandations produites par cette Commission délibérative
Alors que les recommandations étaient examinées le 8 avril en Commission parlementaire et le 24 avril 2024 en séance plénière, le bénéfice de la co-construction entre citoyen·nes et élu·es s’est fait pleinement sentir. Les député·es membres de la Commission délibérative ont tous pris la parole pour défendre le processus auquel ils avaient pris part et les recommandations qui en ont émergé. On imagine mal comment des député·es auraient pu assurer de cette manière le relais au sein du parlement s’ils n’avaient pas participé activement au processus.
“Sachez que, où que nous soyons après ces élections, nous serons les gardiens des recommandations que nous venons tous ici d’approuver“ concluait lors de la dernière séance la députée présidente de la Commission délibérative, Marie-Martine Schyns. Conscient·es qu’ils et elles allaient être identifié·es par leurs collègues comme co-concepteurs des recommandations, on a pu remarquer chez eux un vrai sentiment de responsabilité quant à l’issue du processus.
Quelle a été la couverture médiatique de cette première Commission délibérative au parlement wallon ?
Cette Commission délibérative a fait l’objet d’une quinzaine publications presse, radio et télé dans les médias suivants :
- un reportage diffusé au JT de 13h de la RTBF,
- 3 articles dans Le Soir (ici, ici et là),
- 2 articles dans La Libre (ici et là),
- 2 articles dans DH (ici et là),
- 3 sujet sur RTL (ici, ici et là),
- un article dans SudInfo,
- Un article dans L’Avenir,
- Un reportage sur Notélé,
- Un reportage sur Bouké.
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- Recommandations de la première Commission délibérative wallonne
- Première Commission délibérative wallonne : bilan des échanges entre élus et citoyens