Donner la parole aux citoyens, pour sortir ensemble du confinement

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Les experts sont omniprésents depuis le début de la crise du Covid-19 et le seront encore durant toute la période de déconfinement. Premier concerné, le citoyen devrait être étroitement associé aux décisions prises. La consultation de panels citoyens en d’autres occasions (Make your Brussels, Good Move) ont déjà prouvé leur efficacité.

La crise que nous vivons est exceptionnelle à bien des égards. Entre autres le fait que notre vie est devenue plus que jamais centrée sur les experts qui, à longueur de journée, déversent leurs avis sur les divers aspects que cette vie confinée nous inflige. Chaque matin, nous scrutons la communication des autorités sur les chiffres sanitaires du jour ainsi que la communication de Sophie Wilmes après le fameux CNC. Notre destin – au sens littéral du terme – puisqu’il s’agit de notre santé, voire de notre survie – dépend entièrement des décisions de ce CNC, qui dit se baser sur l’avis de ces fameux experts scientifiques. 

Pour autant, reconnaissons que ce qu’on a gagné en sécurité en procédant de la sorte, on l’a perdu en débat démocratique et citoyen. Nos parlementaires ont donné un peu partout les clés du pouvoir aux Exécutifs et nous nous sommes tous fondus dans un consensus inspiré d’une confiance qu’en d’autres temps, on qualifierait d’aveugle.

Une  inégalité de vécu

Or, un enjeu démocratique de poids se cache de facto derrière cette crise qui « joue » avec notre santé car elle est vécue de manière tellement différente suivant que l’on soit cols blancs ou bleus, aide-soignante ou cadre d’entreprise, caissière en grande surface ou universitaire derrière son écran, propriétaire d’une maison ou locataire d’un logement social, dirigeant de banque ou d’association d’aide aux sans-abri, parent d’enfants en bas âge ou retraité : cette inégalité de vécu et surtout d’exposition aux risques sanitaires et socio-économiques est profondément politique puisque le jeu politique est censé permettre les arbitrages entre citoyens aux situations et intérêts différents dans le cadre d’un débat démocratique.

Des questions sans fin et toutes légitimes

Les paramètres du déconfinement apparaissent clairs à certains égards : à partir du moment où on jugera ce fameux « peak » et le risque de surcharge pour notre système médical suffisamment derrière nous, il faudra nous libérer du confinement pour repartir, car ni le système économique – qui piaffe d’impatience de se relancer –, ni notre santé mentale, ne peuvent tenir plus longtemps en l’état.

Au-delà de ces deux paramètres, ben, on ne sait pas trop : distanciation sociale ou pas ? Et combien de mètres ? Masque ou pas ? Et quel masque ? Tests ou pas ? Et pour qui ? Et quid des asymptomatiques ? Et quels tests ? Immunité collective ou pas ? Traçage digital ou pas ? Etc. Etc. Et toute citoyenne et tout citoyen aura le droit de se poser la question : « et moi, là-dedans, je deviens quoi ? Ma sécurité sanitaire, celle de mes proches, ma santé hors corona, mes conditions de travail, ma mobilité, mon futur professionnel, ma vie privée, ça va être comment ? » Les questions sont déjà sans fin et toutes légitimes !

Faire appel à l’intelligence collective

Alors pourquoi ne pas profiter ce questionnement collectif pour non seulement sortir de cette période de privation démocratique, mais aussi renforcer la participation citoyenne en faisant appel à l’intelligence collective de notre société pour décider – selon le vécu de chacun.e, tellement crucial dans cette période si traumatisante – de la manière dont collectivement nous sommes prêts à sortir de ce confinement ?

Osons l’innovation démocratique

Nous avons en Belgique une expertise spéciale en la matière, comme le G1000 l’a prouvé, mais aussi les panels citoyens du Parlements Bruxellois et du parlement de la Communauté germanophone ainsi que les stratégies participatives ambitieuses de nombreuses communes et villes belges. Osons l’innovation démocratique et la participation citoyenne pour sortir par le haut démocratique de cette crise, donnons l’opportunité aux citoyens de s’entendre et de débattre afin de renforcer la confiance face à leurs dirigeant.e.s, et permettons surtout à ce groupe d’experts « Exit Strategy » de se nourrir également du vécu, tellement important et enrichissant, d’un grand nombre de citoyens !

Des techniques suffisamment mûres

Et ça marche ! Le processus de révision constitutionnelle irlandais a permis de déminer une situation politique tendue sur le sujet de l’avortement comme sur le mariage homosexuel tout en faisant avancer le débat politique. Le sondage délibératif mené en 2007 avec la participation du Premier ministre a conduit à la fin des écoles séparées pour la minorité rom historiquement rejetée. Des milliers de villes à travers le monde utilisent le budget participatif et donnent la parole aux citoyens afin d’orienter leurs investissements. Chez nous, le panel citoyen Make Your Brussels – Mobility a permis de nourrir le Parlement et les experts de Bruxelles Mobilité quant au nouveau Plan Régional de Mobilité – Good Move. Les techniques sont suffisamment mûres pour obtenir une représentativité des citoyen.ne.s au sein des panels et les informer et les accompagner dans le processus de décision pour leur permettre d’émettre un avis éclairé.

Quand on voit les incertitudes qui planent et surtout les changements radicaux dans notre mode de vie qui s’annoncent, c’est en permettant un vrai débat démocratique et en donnant la co-responsabilité aux citoyens de se rendre maître de la sortie de crise que nous faciliterons l’acceptation des règles qui seront décidées.

Initialement publié dans Le Soir Plus

Auteurs: Par Stephen Boucher [Dreamocracy], Michel Genet, citoyen actif, Dimitri Lemaire [Particitiz] et Stephane Michiels [Belvox.org]