“Les initiatives de participation doivent laisser les citoyens délibérer entre eux, sans élus !” D’accord? Pas d’accord?

A l’occasion de l’édition 2024 des Rencontres européennes de la participation citoyenne, l’équipe de Dreamocracy a animé un “débat mouvant” mardi 2 juillet 2024 sur les enjeux liés aux processus délibératifs mêlant citoyens et élus. Retour sur les enseignements tirés de cet échange nuancé avec quelque 50 participants de toute la France et au-delà.

Débat mouvant sur les Commissions délibératives belges lors des Rencontres européennes de la participation 2024 

Les participants sont invités à se positionner de droite à gauche pour exprimer leur accord ou désaccord avec l’affirmation suivante : “Les initiatives de participation doivent laisser les citoyens délibérer entre eux, sans élus !” Les camps pour et contre sont assez équilibrés et les arguments fusent de chaque côté : 

 

D’accord  Pas d’accord 
  • Les élus peuvent dominer les échanges.
  • Défiance des élus qui jugent négativement la capacité des citoyens à s’impliquer dans les prises de décision.
  • Les citoyens peuvent brider leur parole face aux élus.
  • Les élus ont la légitimité de l’élection, leur avis compte, il doit être pris en compte.
  • Si les élus reçoivent les recommandations seulement en fin de processus, ils ne peuvent pas bien les comprendre.
  • Les élus peuvent apporter du contexte, politique et technique qui peut rendre les propositions plus robustes.

Un groupe de participants restés au centre de ces deux camps apporte de la nuance : 

  • Il peut y avoir des temps avec et sans élus pour rééquilibrer les échanges.
  • Il est important de clarifier les rôles de chacun, élus et citoyens.
  • Donner des temps aux citoyens pour se préparer en amont des échanges avec les élus.

Pourquoi vouloir rapprocher élus et citoyens ?

Après ce débat mouvant, un peu de contexte est partagé. L’impact réel de la participation est partout questionné. Le risque est de finir par discréditer la participation comme outil possible de renouveau démocratique. Face à ce constat, les dispositifs mixtes de participation proposent une parade intéressante : et si les élus participaient directement à l’élaboration des propositions avec les citoyens pour faciliter leur appropriation ? 

Ces dispositifs mixtes sont un modèle aujourd’hui minoritaire mais qui progresse parmi les formes possibles de participation : 

  • 2013 : Première Convention Constitutionnelle, Irlande
  • 2015 : Political task committees, Gentofte, Danemark
  • 2016 : Commune de Korsholm, Finlande
  • 2019 : Commissions délibératives, Belgique
  • 2023 : Commune de Poitiers, France 
  • 2023 : Hallo Bundestag, Allemagne 

Un doute émerge cependant : la majorité des mini-publics excluent les élus des échanges pour se prémunir de leur influence et garantir la liberté des discussions. On peut redouter que les élus dominent les discussions et que les propositions soient bien plus de leur fait.

Quelles leçons tirer de la 1ère Commission délibérative wallonne animée par Dreamocracy ? 

  • On constate que le niveau d’appropriation des recommandations est significativement plus fort avec des élus qui ont pris part aux discussions.
  • On peut rééquilibrer la parole entre élus et citoyens : temps délibération sans élus, plus que pour d’autres mini-publics un besoin de petits groupes et de facilitation active.
  • Le questionnaire ex ante / ex post administré par des universitaires montre que le dispositif a rapproché élus et citoyens.
  • Les clivages partisans peuvent a priori nuire à la qualité des délibérations. Ils sont visibles en particulier au moment du vote des recommandations. On peut cependant réduire ces effets en proposant un vote secret pour les élus (moins sujets donc à la pression de la discipline de groupe) comme pratiqué par la première Convention constitutionnelle irlandaise. 
  • L’appartenance partisane peut au contraire renforcer la qualité de la délibération en contribuant à mieux prendre en compte les arguments contradictoires sur un sujet donné. On lira à ce sujet Bernard Manin, “Comment promouvoir la délibération démocratique ? Priorité du débat contradictoire sur la discussion”. Les Commissions délibératives mettent en œuvre ce principe en invitant chaque groupe politique à présenter, avec un même temps de parole, leur position sur la question traitée. 
  • Au moment de la finalisation des recommandations, on invite les élus à formuler leurs réserves éventuelles dans le but de trouver des compromis avec les citoyens, plutôt que de risquer le détricotage des propositions par après comme on a pu le voir par exemple suite à la Convention citoyenne pour le climat.
  • Si seule une faible part de la population est effectivement tirée au sort dans un dispositif, la quasi-totalité des députés y prend part par contre au fil des Commissions délibératives. C’est ce qu’on a constaté par exemple au Parlement de Bruxelles où quasiment tous les députés ont été exposés à cette manière de légiférer. On peut raisonnablement espérer que cela contribue à déconstruire les préjugés sur la participation, et que cela permette de diffuser une culture de la délibération au sein des institutions représentatives.

Face aux limites que rencontre chaque dispositif, l’innovation et l’adaptation sont indispensables. Mixité, permanence, variété des formats : notre souci à Dreamocracy est de développer les formes de collaboration qui enrichissent en profondeur la participation des citoyens à la vie de leur communauté.


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